1 janvier 2003

En octobre 2002, le procureur général du Québec a demandé la tenue d’une enquête afin de déterminer si le juge Jean-Guy Boilard avait manqué à l’honneur ou à la dignité ou s’il avait manqué aux devoirs de sa charge, à la suite de la décision du juge de se

20030003 - En octobre 2002, le procureur général du Québec a demandé la tenue d’une enquête afin de déterminer si le juge Jean-Guy Boilard avait manqué à l’honneur ou à la dignité ou s’il avait manqué aux devoirs de sa charge, à la suite de la décision du juge de se récuser d’un procès très médiatisé qu’il présidait en 2002 contre des membres de la bande de motards Hell’s Angels qui étaient accusés, entre autres crimes, de meurtre et de trafic de stupéfiants.

Cette enquête, dont il a été question dans le rapport annuel de 2002–2003, a été conclue en 2003–2004. Lors du procès des Hell’s Angels, un avocat qui agissait dans une affaire distincte, mais connexe, a déposé une plainte au Conseil canadien de la magistrature dans laquelle il alléguait que le juge avait fait des remarques désobligeantes lors d’un procès antérieur. Le Conseil a examiné les allégations et, dans sa décision écrite, il a fait part de ses préoccupations au juge Boilard, bien qu’il ait conclu que sa conduite n’était pas suffisamment grave pour justifier sa révocation. La presse a été informée des conclusions de l’enquête avant que le juge ait pu lire la lettre du Conseil. Ayant décidé qu’il n’avait plus « l’autorité morale » pour instruire l’affaire, le juge Boilard a choisi de se récuser du procès en cours, ce qui a entraîné la tenue d’un nouveau procès. La récusation du juge Boilard a causé une perte considérable de temps et d’argent et, de l’avis du procureur général du Québec, a compromis la bonne administration de la justice.

Un comité d’enquête composé de trois personnes a été créé pour examiner l’affaire. Durant l’audience, l’avocat indépendant (qui rassemble et présente les éléments de preuve au nom du public) a fait valoir que la décision du juge ne pouvait pas être revue par le Conseil, car elle concernait la capacité du juge de présider le procès en toute indépendance et impartialité. L’avocat du juge Boilard a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve prima facie d’inconduite et qu’il n’y avait donc pas lieu de poursuivre l’affaire. L’avocat du procureur général du Québec a dit être en désaccord avec les motifs de la décision du juge Boilard et a soulevé certaines questions éthiques.

Le comité d’enquête a conclu que la décision du juge Boilard de se récuser était « inappropriée », surtout du fait que le plaignant n’avait pas comparu devant lui lors du procès des motards. Le comité d’enquête a ajouté que le juge avait mal compris la nature de l’intervention du Conseil, qui ne mettait pas en doute sa capacité d’exercer ses fonctions de manière efficace et lui recommandait simplement d’adopter une approche différente dans ses relations avec l’avocat. Le comité d’enquête a également ajouté qu’en dépit de cette conclusion, la conduite du juge ne le rendait pas inapte à remplir utilement ses fonctions. Par conséquent, le comité a conclu qu’il n’y avait pas lieu de recommander que le juge soit démis de ses fonctions.

Après avoir examiné le rapport du comité d’enquête, le Conseil a convenu qu’il n’y avait pas lieu de recommander la révocation du juge Boilard. Il a également conclu, cependant, que le juge avait agi de bonne foi et dans le cadre de ses pouvoirs discrétionnaires. Dans son rapport au ministre de la Justice, le Conseil a souligné qu’« une décision judiciaire discrétionnaire ou encore les circonstances à l’origine de cette décision ne sauraient servir de fondement pour conclure à une situation d’incompatibilité ou de manquement à l’honneur ou à la dignité ou aux devoirs de la charge prévu à … la Loi sur les juges. » L’affaire Boilard illustre le déroulement du processus d’examen lorsqu’une plainte provient du procureur général d’une province et non pas du public. En pareil cas, le Conseil a l’obligation de constituer un comité d’enquête et de faire ensuite une recommandation au ministre de la Justice.

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